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La France drague les riches Qataris

Mis en ligne le 27.08.2014 à 15:09

Philippe Kenel

Les partisans de la suppression de l’impôt d’après la dépense en Suisse ne manqueront pas lors de la campagne en vue des votations du 30 novembre 2014 de souffler dans les trompettes des socialistes français en tentant de culpabiliser les citoyens helvétiques d’attirer les riches français sur leur territoire et en plaignant notre pauvre voisin.

Comme je l’ai dit et écrit à de très nombreuses reprises, la très grande majorité des Etats ont comme objectif d’attirer les personnes fortunées étrangères. Parmi les Etats européens, il y a notamment lieu de citer la Belgique, l’Espagne, le Grand-Duché de Luxembourg, Malte, le Portugal, le Royaume-Uni et la très grande majorité des Etats est-européens.

À cette liste, il sied d’ajouter la France. En regardant d’un peu plus près la législation de cet Etat dont le gouvernement ne manque pas une occasion de s’en prendre à la Suisse, on constate que sa politique consiste à attirer les personnes fortunées, d’une part, dans son droit interne, et, d’autre part, en signant des conventions de double imposition particulièrement attractives avec des Etats regorgeant de personnes fortunées.

En guise de préambule, il y a lieu de rappeler qu’une personne fortunée qui transfère son domicile tend à se rendre dans un Etat ne connaissant pas d’impôt sur la fortune ou l’imposant de manière clémente. La France n’appartient pas à cette catégorie dans la mesure où le taux maximum de l’impôt annuel de solidarité sur la fortune (ISF) s’élève à 1,8%. Il frappe la totalité des biens du contribuable domicilié en France quel que soit leur lieu de situation.

Or, afin de favoriser l’arrivée de riches étrangers sur sol français, le législateur a prévu à l’article 885 A du Code général des impôts que le nouvel arrivant était dispensé de l’impôt sur la fortune concernant ses biens situés hors de France durant les cinq premières années. Cela signifie que si une personne prend domicile à Paris et qu’elle dispose d’un compte de EUR 20 millions dans une banque en Suisse, elle sera dispensée de payer l’ISF sur ce montant pendant cinq ans.

Cependant, consciente que le Qatar regorgeait de personnes fortunées, la France a accordé un traitement tout particulier aux ressortissants de cet Etat. En effet, quatre règles particulières résultent de la Convention entre la France et le Qatar du 4 décembre 1990 et de l’Accord sous forme d’échange de lettres du 12 janvier 1993, modifié par l’Avenant du 14 janvier 2008. Tout d’abord, l’article 17 paragraphe 5 de la convention confirme la règle mentionnée ci-dessus selon laquelle une personne physique qui est un résident de France et un citoyen du Qatar, sans avoir la nationalité française, ne paie pas d’ISF sur les biens situés hors de France durant les cinq premières années. Cette disposition ajoute néanmoins que « si cette personne physique perd la qualité de résident de France pendant une période d’au moins trois ans, puis redevient un résident de France, les biens situés hors de France que cette personne possède au 1er janvier de chacune des cinq années suivant l’année civile au cours de laquelle elle redevient un résident de France n’entrent pas dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune afférente à chacune de ces cinq années ». En d’autres termes, il suffit que le citoyen du Qatar quitte la France après cinq ans pendant une période de trois ans et revienne sur sol français pour bénéficier à nouveau de l’exemption de l’ISF pendant une période de cinq ans. En second lieu, le paragraphe 3 du même article précise, de manière générale, peu importe que le citoyen qatari soit ou non dans le délai de cinq ans mentionné ci-dessus, que s’il possède directement ou indirectement, seul ou avec des personnes apparentées, plus de 25% d’une société au Qatar, ses actions seront imposées uniquement dans cet Etat et non pas en France. Par ailleurs, la convention accorde un traitement très favorable aux biens immobiliers situés au Qatar détenus par un citoyen qatari domicilié en France et aux biens immobiliers se trouvant en France appartenant à des Qataris domiciliés à l’étranger. Enfin, la France a admis à l’article 18 paragraphe 1er de la convention que les biens immobiliers détenus au Qatar par un citoyen domicilié en France ne soient pas soumis à l’impôt sur les successions en France. La France a accordé au Qatar exactement ce qu’elle a refusé à la Suisse.

Il importe de préciser qu’en raison de la clause de la nation la plus favorisée ces avantages peuvent bénéficier aux ressortissants d’autres Etats du Golf.

Il résulte de ce qui précède que la devise française en matière de promotion économique à l’égard des personnes privées fortunées est faites comme je dis, mais pas comme je fais.


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