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Le vrai rôle des sociétés offshores en matière bancaire

Mis en ligne le 13.06.2014 à 18:30

Philippe Kenel

Dans un article publié dans Le Monde daté du mercredi 11 juin 2014, Gérard Davet et Fabrice Lhomme résument et citent le contenu d‘une ordonnance de saisie rendue le 27 février 2014 par les juges parisiens Renaud Van Ruymbeke et Charlotte Bilger à propos de l’instruction ouverte pour « démarchage illicite » et « blanchiment en bande organisée de fraude fiscale » à l’encontre de la banque suisse HSBC Private Bank.

Il résulte de ce document que les juges français reprochent à la banque HSBC d’avoir proposé à leurs clients de créer des sociétés offshores destinées à cacher leurs avoirs et à violer l’Accord sur la fiscalité de l’épargne conclu le 26 octobre 2004 entre la Suisse et l’Union européenne entré en vigueur le 1er janvier 2005.

Ces affirmations me donnent l’occasion de rappeler à quoi a servi la création de sociétés offshores dans le domaine bancaire et de faire la part des choses entre le vrai et le faux.

En guise de préambule, il sied de rappeler qu’une société offshore est une société créée dans une juridiction où elle n’est imposée ni sur ses revenus, ni sur son capital. De plus, aucun impôt à la source n’est prélevé en cas de distribution de dividendes. En matière bancaire, le mécanisme consiste à ce qu’un compte, au lieu d’être ouvert au nom de la personne physique propriétaire des avoirs, l’est au nom d’une société, la personne physique étant propriétaire des actions. En pratique, cette dernière n’est généralement pas administratrice de la société.

Deux idées reçues totalement erronées et, malheureusement colportées par les journalistes du Monde, doivent être réfutées.

Tout d’abord, le fait que le compte soit ouvert, non pas au nom de la personne physique propriétaire des avoirs, mais d’une société offshore, n’est en aucun cas en Suisse un moyen de dissimuler un capital ou d’empêcher toute forme d’assistance administrative en matière fiscale. En effet, les banques ont l’obligation de remplir un Formulaire A sur lequel doit impérativement figurer le bénéficiaire économique du compte. Par conséquent, si M. X ouvre un compte au nom d’une société Y la banque a, dans sa documentation, un document stipulant expressément que le bénéficiaire du compte n’est pas la société Y, mais M. X. Si une demande d’assistance administrative est faite par un Etat étranger à propos de M. X, la banque dévoilera son compte peu importe qu’il soit détenu par lui-même ou par la société Y.

En second lieu, comme mentionné ci-dessus, la Suisse et l’Union européenne ont signé un Accord sur la fiscalité de l’épargne. En vertu de ce dernier, les paiements d’intérêts faits à des bénéficiaires effectifs résidents d’un Etat membre de l’Union européenne par un agent payeur établi sur le territoire suisse font l’objet d’une retenue à la source. Le taux de ce prélèvement s’élevait à 15% au 1er juillet 2005 et à 35% à partir du 1er juillet 2011. La particularité de cet accord qui, sur ce point, reprend exactement le contenu de la Directive 2003/48/CE du 3 juin 2003 s’appliquant aux Etats membres de l’Union européenne, est que le système de la retenue à la source concerne uniquement les comptes ouverts au nom d’une personne physique, et non pas ceux qui le sont au nom d’une société. En vertu de ce principe, de nombreuses banques helvétiques ont recommandé à leurs clients au courant de l’année 2005 de fermer le compte qui était ouvert à leur nom et d’en ouvrir un au nom d’une société offshore. Ce mécanisme permettait en toute légalité d’éviter de payer la retenue à la source prévue par l’Accord sur la fiscalité de l’épargne. Je tiens à préciser que cette manière de faire ne rendait évidemment pas l’argent légal dans l’Etat du contribuable qui ne le déclarait pas.

Il résulte de ce qui précède que les banques et les personnes qui ont constitué ou géré des sociétés offshores du type mentionné ci-dessus ont géré de l’argent qui n’était pas déclaré dans le pays du contribuable bénéficiaire économique de la société offshore. En revanche, contrairement à ce que les journalistes du Monde, voire les juges parisiens, semblent considérer, ces personnes n’ont aucunement aidé les contribuables à cacher leurs avoirs ou à violer l’Accord sur la fiscalité de l’épargne. Autant il est important de ne pas se voiler la face en niant ce que les banques helvétiques ont pu faire, autant il est important de ne pas leur reprocher des comportements qu’elles n’ont pas commis.

Pour la petite histoire, les clients qui ont opté pour la création de sociétés offshores en vue de ne pas payer le prélèvement à la source prévu par l’Accord sur la fiscalité de l’épargne s’en mordent les doigts aujourd’hui et se les mordront encore demain. En effet, dans le cadre des demandes d’assistance administrative groupées qui, contrairement aux demandes individuelles, ne visent pas une personne déterminée, mais un groupe de personnes ayant eu un certain comportement, le fait d’avoir créé une société est l’un des éléments qui permet de qualifier un groupe de personnes en vertu de leur comportement. Mais, comme l’on dit à la radio, ceci est une autre histoire…


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Laetitia11 J'ai l'impression que depuis plusieurs années la création de société offshore se développe de plus en plus et est surtout devenu beaucoup plus accessible. En effectuant une simple recherche sur internet, on trouve très rapidement de nombreuses sociétés permettant d'ouvrir un compte bancaire offshore comme www.company-creation.com/ouvrir-compte-offshore par exemple. L'offshore devient à la portée de tous ! 09.03.2015 - 17:27

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