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Dimanche blanc: on n’y voit plus rien

Mis en ligne le 10.02.2014 à 10:15

Philippe Kenel

A l’issue du vote du 6 décembre 1992 par lequel le peuple suisse s’était opposé à la participation de la Suisse à l’Espace économique européen, le Conseiller fédéral, Jean-Pascal Delamuraz, avait déclaré que ce dimanche de votations était un «dimanche noir» pour la Suisse. Le 9 février 2014 peut être qualifié de «dimanche blanc» dans la mesure où, référence étant faite au jour blanc des skieurs, la décision du peuple helvétique nous plonge dans une période de flou total où il est absolument impossible de voir dans quels sens iront aussi bien la politique migratoire de la Suisse que nos relations avec l’Union européenne.

Mon but n’étant pas de répéter ce que nous avons pu lire ou entendre jusqu’à maintenant, je me bornerai à faire deux remarques qui, à ma connaissance, n’ont pas encore été formulées.

Tout d’abord, de nombreux intervenants constatent, voire s’étonnent, du fossé qui existe entre l’avis de la population et la position défendue par le Conseil fédéral. Or, aujourd’hui, force est de constater que suite à l’éviction de Christoph Blocher et de son remplacement par Evelyne Widmer-Schlumpf, la composition du Conseil fédéral ne correspond plus à l’équilibre des forces politiques en présence dans notre pays. En effet, non seulement l’UDC a perdu un siège, mais celui-ci est allé à une conseillère fédérale qui doit son élection à la gauche et qui, par conséquent, est une anti-UDC. Que les choses soient claires. Je ne suis pas un partisan de l’UDC. Néanmoins, le vote de ce dimanche démontre à quel point il est urgent que l’UDC retrouve ses deux sièges au Conseil fédéral. Mme Widmer-Schlumpf doit prendre conscience qu’elle n’est pas à sa place au Conseil fédéral et ne doit pas se représenter en 2015. De même, il appartiendra au parlement d’oublier toute querelle politicienne et de nommer un gouvernement représentatif des sensibilités politiques de la population, et par conséquent, deux membres de l’UDC.

En second lieu, nul ne sait à ce jour ce qu’il adviendra des relations bilatérales entre la Suisse et l’Union européenne. On peut néanmoins imaginer sans peine qu’il sera plus difficile pour la Suisse d’obtenir des concessions de son partenaire. Les milieux officiels bancaires peuvent encore un peu plus se mordre les doigts de s’être entêtés dans la politique Rubik au lieu de négocier en 2010-2011, époque où cela était possible, un accord libre circulation des services financiers contre passage à l’échange automatique d’informations. Une question qui devrait relativement rapidement se retrouver au centre des débats politiques en Suisse est celle de l’Accord de Schengen. En effet, l’Accord de Schengen a comme objectif de supprimer les contrôles aux frontières entre les pays qui bénéficient des quatre libertés fondamentales, soit la libre circulation des personnes, la libre circulation des capitaux, la liberté d’établissement et la libre circulation des services. J’ai toujours considéré qu’il était paradoxal que la Suisse signe cet accord dans la mesure où elle ne disposait que de la libre circulation des personnes. En effet, pourquoi supprimer les contrôles aux frontières alors que la libre circulation des marchandises n’existe pas. Cette position se justifiera d’autant plus si la libre circulation des personnes est supprimée. Je tiens néanmoins à préciser que, paradoxalement, ce n’est pas poussée par les milieux pro-européens que la Suisse a signé l’Accord de Schengen, mais par l’UDC. Lorsque certains Etats de l’Union européenne ont conclu l’Accord de Dublin, l’UDC a eu peur d’un afflux de réfugiés dans notre pays, car, selon cet accord, lorsqu’un requérant s’est vu refuser l’asile dans un Etat signataire, il n’est pas possible pour lui de déposer une nouvelle demande dans un autre Etat signataire. L’UDC craignait, par conséquent, que les requérants d’asile déboutés dans un Etat signataire essaient de se réfugier en Suisse. Or, vu qu’il n’était pas possible de signer l’Accord de Dublin sans signer celui de Schengen, la Suisse s’est retrouvée embarquée dans cet accord même si elle n’était pas prête juridiquement à supprimer les contrôles aux frontières, puisqu’elle n’était pas bénéficiaire des quatre libertés européennes.

9 février 2014: Dimanche blanc. Malheureusement, le Conseil fédéral n’est pas dans la peau d’un skieur qui peut décider de ne pas mettre les skis, de manger une fondue au chalet en attendant une météo meilleure. Même par jour blanc, nos conseillers fédéraux devront mettre leurs skis pour négocier avec Bruxelles en évitant de chuter sur un obstacle que le peuple suisse n’aurait pas vu…


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