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Non à la Lex Gauliana !

Mis en ligne le 01.07.2013 à 15:11

Philippe Kenel

Une des caractéristiques du gouvernement français de ces dernières années est de considérer que tous les problèmes de la France sont dus à ses voisins. Si ses ministres fraudent, c’est à cause des pays qui accueillent l’argent non déclaré, si les riches français étouffés par les impôts quittent la France, c’est à cause de ses voisins qui les accueillent, si le Front national ne cesse de gagner du terrain dans la vie politique française, c’est à cause du Président de la Commission européenne, etc, etc. Je suis étonné de ne pas encore avoir vu un coupable étranger désigné dans l’affaire Tapie… La conséquence de cette attitude est que le gouvernement français ne cesse d’ouvrir le feu sur ses voisins. Cette manière de faire est grave de la part d’un Etat qui prétend être l’un des moteurs de l’Europe unie. En effet, il traduit une incapacité à gérer les relations avec les autres Etats de manière cordiale et négociée, ce qui est l’un des fondamentaux de la construction européenne. En agissant de la sorte, les socialistes nourrissent le nationalisme français avec tous les dangers que cela comporte.

Dans cette optique, la décision du gouvernement français de ne pas dénoncer la convention conclue en 1953 entre la Suisse et la France en matière de successions est une bonne nouvelle. Elle laisse peut-être entrevoir une volonté de la France de continuer à vivre en paix avec ses voisins et non pas de rompre des pratiques vieilles de plus de cinquante ans. Car c’est bien ce qu’a tenté de faire la France cette dernière année avec la Suisse. En effet, en menaçant de dénoncer la convention de double imposition précitée de 1953, elle voulait mettre fin à une pratique ayant fonctionné depuis soixante ans. De même, en mettant fin, de manière totalement illégale, à la pratique du « forfait majoré » résultant des accords entre les autorités fiscales suisse et française datant de 1967, le gouvernement Hollande a violé, sans même en informer les autorités helvétiques, un accord de plus de quarante-cinq ans.

En décidant de ne pas rompre la convention avant la fin du mois de juin 2013 pour le 31 décembre 2013, j’ose espérer que cette manière de faire permet d’entrevoir un changement d’attitude de la part de la France. J’émets encore quelques doutes dans la mesure où je ne sais pas exactement ce que le Conseil fédéral a promis à la France en contrepartie de cette non résiliation de la convention. Le Conseil fédéral s’est-il engagé à conclure un accord correspondant dans les grandes lignes à celui qui a été rendu public au courant de l’été 2012 ?

Si tel est le cas, le Conseil fédéral risque de voir cette Lex Gauliana se voir retoquer par le parlement au même titre que la Lex Americana au mois de juin 2013. Car, en effet, accepter de souscrire à une imposition en France des successions de personnes domiciliées en Suisse au moment de leur décès revient à légitimer l’application en Suisse de l’article 750 ter du Code général des impôts français. En d’autres termes, c’est accepter en Suisse l’application d’une disposition de droit français qui, de plus, prévoit l’imposition en France des immeubles situés en Suisse. Signer un accord de ce type avec la France serait téméraire dans la mesure où le Conseil national à une forte majorité a voté le 19 juin 2013 une motion demandant au Conseil fédéral de ne pas conclure de convention prévoyant l’imposition en France d’immeubles situés en Suisse.

La politique du Conseil fédéral doit consister à ne pas fermer la porte aux autorités françaises en vue de la renégociation de la convention de 1953, mais elle ne doit en aucun cas signer un document qui prévoit l’imposition en France des successions de personnes domiciliées en Suisse si un héritier est domicilié en France. La Suisse a jusqu’au 30 juin 2014 pour mener à chef ces négociations. En effet, ce jour est la date butoir pour la France si elle veut dénoncer la convention actuelle pour le 31 décembre 2014. Le Conseil fédéral pourrait notamment accepter le fait que les immeubles détenus en SCI par des personnes domiciliées en Suisse soient imposées non plus en Suisse, mais en France, ce qui correspondrait aux recommandations de l’OCDE.

Toute attitude contraire de notre gouvernement serait un camouflet au parlement qui au mois de juin 2013 a dit clairement non à la Lex Americana et non à la Lex Gauliana.


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