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Comment régulariser le passé?

Mis en ligne le 14.06.2013 à 11:59

Philippe Kenel

A l’heure où les parlementaires débattent de la délicate question de savoir s’il y a lieu de voter la Lex USA, une chose est certaine : les banques suisses auront peut-être la capacité financière de payer une amende aux Etats-Unis, mais en tout cas, nombres d’entre elles ne pourront pas faire face à une seconde amende de la part d’un ou de plusieurs Etats européens. Par conséquent, parallèlement à la liquidation du dossier américain, il est impératif d’entreprendre rapidement des démarches auprès de l’Union européenne et de ses Etats membres afin d’éviter que les banques helvétiques soient prises sous le feu des justices pénales européennes, ce qui a déjà commencé en France avec l’UBS.

Comme je le dis et l’écris depuis la fin de l’année 2009, la Suisse aurait dû entrer en négociations avec l’Union européenne en s’engageant à passer à l’échange automatique d’informations à moyen terme, en obtenant le plus rapidement possible la libre circulation des services financiers et en négociant pour une période transitoire un système d’impôt libératoire (accord Rubik) afin de régulariser le passé. Malheureusement, lorsque j’exprimais cet avis dans les milieux bancaires officiels, j’avais le sentiment d’être un lapin invité à un dîner de chasseurs. Le problème est qu’à force d’avoir voulu jouer la montre, la Suisse a peut-être laissé le train passer. En effet, la situation s’est compliquée, au moins, pour deux raisons. Tout d’abord, la question institutionnelle s’est invitée dans les négociations entre la Suisse et l’Union européenne et cette dernière semble refuser tout nouvel accord tant que cette question ne sera pas résolue. En second lieu, au courant de l’année 2011, on n’a passé de l’ère de la légalité, soit celle où il était exigé que l’argent soit légal dans le pays domicile du contribuable, à celle de la transparence, soit celle où l’argent doit non seulement être légal, mais également connu et déclaré.

A l’ère de la légalité, Dame d’Helvétie devait enlever le haut, à celle de la transparence, elle doit laisser tomber le bas!

L’une des questions essentielles qui se pose pour le monde bancaire helvétique est de déterminer comment la Suisse peut trouver avec ses partenaires européens une solution pour régulariser le passé avant que nous passions à l’échange automatique d’informations. Les négociations porteront sur les quatre éléments essentiels suivants :

  • Quel sera le pourcentage des avoirs prélevé par l’Etat de domicile du bénéficiaire économique du compte?

La réponse à cette question variera selon les Etats. Pour un Etat comme la France, j’imagine que ce taux se situera entre 25 et 40 % des avoirs. Il serait possible de s’inspirer des taux figurant dans les accords Rubik conclus avec l’Autriche et le Royaume-Uni.

  • La régularisation permettra-t-elle au contribuable de conserver son anonymat?

Cette solution aurait été possible si la Suisse avait négocié des accords Rubik, à titre de solution transitoire, en 2010 ou 2011. En revanche, aujourd’hui, il est quasiment certain que les Etats européens exigeront de connaître le nom des contribuables.

  • Quelles infractions et quels auteurs seront couverts par la régularisation?

Afin d’éviter que les banques helvétiques fassent l’objet de procédures pénales, il est impératif que la régularisation couvre les infractions fiscales et pénales commises à la fois par les contribuables et par les banques.

  • Les clients seront-ils libres de régulariser? La régularisation aura-t-elle un effet rétroactif?

Jusqu’à ce jour, lorsque l’on parlait de régularisation, on considérait qu’il s’agissait d’une faculté offerte au client qu’il était libre ou non d’utiliser. Concernant la France en tout cas, il est évident qu’elle ne veut pas entendre parler d’une amnistie. Par conséquent, la seule solution qui s’offre à la Suisse est de proposer une solution calquée sur celle figurant dans les accords Rubik avec l’anonymat en moins. En d’autres termes, les ressortissants européens qui avaient de l’argent en Suisse à une date à déterminer, par exemple, le 31 décembre 2012, auront l’obligation de régulariser sans quoi la banque transmettra les données à leur Etat de domicile au moment de l’entrée en vigueur de l’échange automatique d’informations.

Le système proposé ci-dessus n’est évidemment pas satisfaisant dans la mesure où le client perd la liberté de régulariser. Cependant, la Suisse avait déjà accepté cette philosophie dans le cadre des accords Rubik et, à mon avis, il s’agit de la seule solution possible pour éviter des poursuites pénales contre les banques. De manière très égoïste pour les milieux bancaires, avec cette solution, ce n’est pas les banques qui paient, mais les clients.

En lisant ces quelques lignes, le lecteur se dira peut-être qu’un Rubik transitoire aurait été une solution de rêves. Il a entièrement raison. Malheureusement, cette solution est le prix à payer en raison de l’aveuglement volontaire ou involontaire de certains!


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