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Weissgeldstrategie : l’enfant naturel du Rubikgate

Mis en ligne le 23.05.2013 à 08:51

Philippe Kenel

Il faudra bien une fois que le monde politique et bancaire se demande comment a pu se produire en Suisse ce que l’on peut appeler, avec un brin d’humour, le Rubikgate. Comment les autorités helvétiques ont-elles pu être suffisamment sourdes et aveugles pour croire qu’elles arriveraient à convaincre les autres Etats que le système de l’impôt libératoire est l’équivalent de l’échange automatique ? Manque d’informations malgré le nombre de conseillers et de lobbyistes ? Manque d’écoute ? Sans que cet exercice ait comme effet de montrer du doigt des personnes du monde politique ou bancaire, il est nécessaire qu’il soit fait. En effet, si tel n’était pas le cas, un fossé se creuserait entre le monde politique et la population sur ces questions financières. Il faut bien avouer qu’aujourd’hui personne ne comprend plus la stratégie des partis du centre droite. A ce jour, le seul gagnant est le parti socialiste qui a toujours suivi la même ligne en se livrant à une étude éclairée de la situation.

Le but de ces quelques lignes est d’expliquer en quoi la Weissgeldstrategie est l’enfant naturel du Rubikgate et la raison pour laquelle les milieux bancaires n’y étaient pas opposés à l’époque, alors qu’ils la rejettent totalement aujourd’hui. Pour comprendre ce changement d’attitude, il sied d’avoir à l’esprit qu’en cas de signature d’un accord Rubik avec l’Allemagne, il n’y aurait plus eu d’argent non déclaré, ni passé, ni futur, dans les banques helvétiques. Par conséquent, les milieux bancaires, notamment suisses alémaniques, ne voyaient aucun problème majeur à introduire la Weissgeldstrategie dans la mesure où de toute manière il s’agissait d’une conséquence naturelle des accords Rubik. Il aurait en effet été possible pour les banques de gérer de l’argent allemand, qui par définition aurait été légal, tout en appliquant la stratégie de l’argent blanc. Cependant, vu l’échec de la stratégie Rubik, la Weissgeldstrategie est devenue la politique de tous les dangers. En effet, sans accord Rubik, pas que de l’argent allemand légal dans les banques suisses, et par conséquent, impossibilité de n’accepter que de l’argent déclaré.

Sur le plan politique, le problème est que, convaincus que les accords Rubik, notamment celui avec l’Allemagne, seraient conclus, les partis du centre droite et les milieux bancaires ont laissé la Weissgeldstrategie se mettre en marche. Un texte est en procédure de consultation jusqu’au 15 juin 2013. Gage a même été donné au parti socialiste de l’application de cette stratégie en contrepartie de son soutien à l’accord entre la Suisse et les Etats-Unis en février 2012. Quelle sera l’attitude de ce parti lorsque l’on sollicitera son soutien dans le futur accord entre la Suisse et les Etats-Unis sur le sort des banques helvétiques dans cet Etat si la stratégie de l’argent blanc est retirée ?

Sur le plan économique, la situation a encore été aggravée par le fait que la Suisse a enfin compris que l’heure de l’échange automatique avait sonné. Dans ces conditions, il va de soi qu’être ouvert à l’échange automatique, renoncer à la stratégie Rubik et mettre en œuvre la Weissgeldstrategie est un suicide économique pour le monde bancaire. Par conséquent, autant il est nécessaire d’entrer rapidement en discussion avec tous les partenaires intéressés pour la mise en œuvre de l’échange automatique, autant il est impératif de ne pas appliquer la Weissgeldstrategie. Cela mettrait la Suisse dans une situation totalement défavorable par rapport à ses concurrents sur le plan international.

Aujourd’hui, je crois qu’il est important que tous les partis, y compris le parti socialiste, prennent conscience de la nécessité de mettre fin à la stratégie de l’argent blanc dans la mesure où il s’agissait d’une conséquence logique de la stratégie Rubik, mais que celle-ci a échoué. Cependant, il est également impératif qu’une autocritique soit faite sur les raisons pour lesquelles le monde politique et bancaire s’est entêté à l’excès dans la stratégie Rubik. Weissgeldstrategie, non, nouveau Rubikgate, plus jamais. Pour mettre du baume sur le cœur des partisans de la stratégie de l’argent blanc, je leur dirai que, de toute manière, même si elle n’existe pas dans la législation helvétique, elle est déjà mise en œuvre par les grands établissements bancaires helvétiques qui ne cessent, les uns après les autres, d’annoncer qu’ils ne veulent plus gérer d’argent non déclaré.

La stratégie de l’argent blanc doit absolument être abandonnée, mais la partie n’est pas gagnée. Rubygate était une affaire de mœurs légères, Rubikgate en est une aux conséquences lourdes…


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