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Mais où donc est passée la libre circulation des services financiers?

Mis en ligne le 15.04.2013 à 11:50

Philippe Kenel

En qualité de social démocrate de droite, je suis parfois en accord, parfois en désaccord, avec Christian Levrat. Dans le Matin Dimanche d’hier, Christian Levrat se réfère à une discussion que nous avons eue à la rue Solferino à Paris le dimanche 6 mai 2012, date de l’élection du Président François Hollande. À cette occasion, nous avons constaté que nous étions entièrement d’accord sur le fait que la Suisse devait négocier le plus rapidement possible le passage à l’échange automatique avec l’Union européenne en obtenant, en contrepartie, la libre circulation des services financiers. Depuis 2009, je ne cesse de dire et écrire qu’il est urgent que la Suisse entame cette négociation en essayant d’obtenir, pourquoi pas, durant une période transitoire, le système de l’impôt libératoire. Cette manière de faire aurait le mérite de permettre de régler également le sort de l’argent existant. Cette stratégie repose notamment sur le fait que, contrairement au Luxembourg et à l’Autriche, le talon d’Achille de la Suisse est de ne pas bénéficier de la libre circulation des services financiers avec l’Union européenne, ce que réclament à cor et à cri tous les acteurs du service financier.

Or, quelle a été ma surprise en lisant les réactions des conseillers fédéraux et du président de l’Association suisse des banquiers dans la presse dominicale ? Plus personne ne parle de libre circulation des services financiers…

Au lieu de prendre le taureau par les cornes, d’oser déclarer enfin que c’est l’ultime moment d’adopter la stratégie que j’ai décrite ci-dessus, le monde politique et bancaire dispense les fausses vérités suivantes :

  • La Suisse est dans une situation tout à fait différente et nettement plus favorable que l’Autriche et le Luxembourg dans la mesure où elle n’est pas membre de l’Union européenne. Or, la vraie différence entre la Suisse, d’une part, et l’Autriche et le Luxembourg, d’autre part, est que ces Etats bénéficient de la libre circulation des services financiers et qu’en attendant le passage à l’échange automatique d’informations ces Etats peuvent restructurer leur business model en matière bancaire alors que la Suisse reste bloquée dans ses starting-block. En l’occurrence, le fait de ne pas être membre de l’Union européenne et de ne pas participer à l’Espace économique européen, ce qui est le cas du Liechtenstein, n’est pas un plus, mais un moins. Par ailleurs, croire que l’Autriche et le Luxembourg passeront à l’échange automatique sans qu’une énorme pression ne s’exerce sur la Suisse est un leurre.
  • On tente de nous faire croire que le système de l’impôt libératoire est équivalent à l’échange automatique d’informations. Or, à l’aune de la transparence qui est le critère d’aujourd’hui, cette affirmation est erronée. En effet, s’il est vrai que le système de l’impôt libératoire permet de légaliser les avoirs déposés à l’étranger, il va à l’encontre de la transparence puisqu’il permet justement au propriétaire de ces avoirs de conserver l’anonymat dans son Etat de domicile. La Suisse a tellement attendu qu’il sera déjà très difficile d’obtenir de l’Union européenne qu’elle accepte ce système à titre transitoire. Mais, de grâce, arrêtons de leurrer les citoyens en leur faisant croire que ce système sera considéré comme l’équivalent de l’échange automatique d’informations à long terme.

En revanche, il est important, comme le souligne à juste titre l’Autriche, que les réformes en cours ne privilégient pas le système anglo-saxon par rapport au système continental. Certains Etats continentaux connaissant le secret bancaire ont appliqué durant de nombreuses années le système « nous savons tout, mais nous ne disons rien ». Les banques connaissaient le bénéficiaire économique des comptes mais refusaient d’en divulguer le nom. Un certain nombre d’Etats anglo-saxons appliquaient et appliquent encore aujourd’hui la maxime « nous disons tout, mais nous ne savons rien ». En effet, les banques de nombreux Etats anglo-saxons ne connaissent pas le nom du bénéficiaire économique d’un trust. À l’heure où le système de la transparence s’impose, il est impératif que ces deux systèmes soient traités de manière égale. Autant il ne devra plus être possible de ne rien dire, autant il ne devra plus être admissible de ne rien savoir !

Le monde politique et bancaire doit faire face à la réalité, ouvrir les négociations qui s’imposent avec l’Union européenne et ne pas faire la politique de l’autruche. M. Levrat, en l’occurrence, je suis d’accord avec vous !


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