Philippe Kenel

5 raisons pour dire non à l'imposition des donations et des successions le 14 juin 2015

 

L’initiative qui tend à imposer à un taux de 20% les successions (les mêmes règles s’appliquent également aux donations) supérieures à CHF 2 millions sur laquelle le peuple suisse sera appelé à se prononcer le 14 juin prochain doit être absolument rejetée pour les raisons suivantes :

 

  1. S’il est juste d’imposer une fois le capital, il est totalement inéquitable de le faire à deux reprises. En d’autres termes, il y a lieu de choisir entre soit l’impôt sur la fortune soit celui sur les successions et les donations. La Suisse, contrairement à la quasi-totalité des Etats européens, impose le capital durant toute la période de détention de celui-ci par son propriétaire. Par conséquent, il n’y a pas lieu de l’imposer une seconde fois lors de son transfert entre vifs ou au décès. Le seul Etat qui n’a jamais compris que ces deux impôts ne pouvaient pas être cumulés est la France… Tout ce qui lui arrive, démontre que ce n’est pas l’exemple à suivre ! De grâce, je vous remercie de ne pas m’accuser de french bashing…

 

  1. Dans une société, il est important que chacun participe au bien commun à la hauteur de ses moyens. Ce principe se traduit par le système de la progressivité de l’impôt. L’initiative va à l’encontre de ce principe en imposant que les successions et les donations supérieures à CHF 2 millions et en ne prévoyant pas un taux progressif. Par ailleurs, si le taux est unique dès que le montant de CHF 2 millions est atteint, il l’est également quel que soit le lien existant entre le défunt et l’héritier ou le donateur et le donataire. Cette manière de faire est contraire à la protection de la famille puisqu’elle met enfant, maîtresse ou amant dans le même lit…

 

  1. Chaque jour, il est loisible de constater à quel point le fédéralisme est une force pour notre pays, notamment en raison de son multilinguisme. Le fait que l’impôt sur les donations et sur les successions soit de compétence cantonale et non pas fédérale est l’un des bastions du fédéralisme helvétique. Si mes concitoyens devaient voter oui le 14 juin, nous ne nous réveillerons plus le 15 au matin dans la même Suisse, non seulement sur le plan fiscal, mais également politique.

 

  1. Cette initiative a un côté détestable dans la mesure où elle stigmatise les personnes aisées ayant une fortune supérieure à CHF 2 millions. Sous le couvert d’une pseudo-justice sociale, les initiants divisent la société helvétique, alors que son homogénéité est sa force. L’acceptation de l’initiative aurait comme conséquence de pénaliser lourdement les entreprises et les entrepreneurs, d’engendrer le départ d’un certain nombre de personnes fortunées suisses ou étrangères et de mettre fin à l’arrivée de nouvelles personnes fortunées dans notre pays. L’importance de leur présence qui a été largement reconnue par le peuple suisse le 30 novembre 2014 a encore été confirmée par le fait que la présence du propriétaire de Patek Philippe à Anières a rapporté environ un demi-milliard de francs en 2014 à cette commune et au canton de Genève.

 

  1. Enfin, outre son objet, cette initiative comporte toutes les tares illustrant la crise de la démocratie directe. D’une part, elle pose une question beaucoup trop large en mélangeant le problème de l’imposition des donations et des successions avec celui du financement de l’AVS. D’autre part, elle prévoit un système rétroactif contraire à la philosophie même de l’ordre juridique helvétique.